Il est habituel de parler des hard skills (compétences liées au savoir-faire) et des soft skills (compétences liées au savoir-être) pour décrire ce qui est mobilisé et utilisé chez chacun.e dans le cadre du travail. Un autre type de compétence reste très peu évoqué, les tacit skills. Pourtant, ces dernières sont mobilisées également très régulièrement dans le cadre du travail. Explications.
Les formations et diplômes nous donnent des compétences professionnelles à exercer dans le cadre d’un métier, ce sont nos hard skills. Le travail fait également appel à d’autres type de compétences, les soft skills (communication, facilitation, gestion des émotions, leadership…), que l’on exerce dans le cadre de nos relations de coopération (horizontales, verticales et transverses). Mais la mobilisation de ces compétences de savoir-faire et savoir-être ne sont parfois pas suffisantes pour produire un travail de qualité.
Le travail nous impose de réfléchir, de penser ce que nous faisons et parfois d’imaginer, de créer une nouvelle façon de faire pour réussir mieux. Lorsque le travail résiste à notre maîtrise, nous n’arrivons pas au résultat désiré. Il nous faut créer, inventer une nouvelle façon de faire. Tenter, essayer de faire autrement, jusqu’à réussir. Cette création, pour être plus performant, c’est votre invention, elle n’existe donc pas au préalable dans votre fiche de poste. Cette invention, c’est votre tacit skills, c’est votre compétence que vous avez su créer et inventer, et que pour l’instant vous laissez dans l’ombre (tacit).
Le travail et les règles de métier
Pourquoi laissez cette trouvaille dans l’ombre ? Simplement parce que cette création issue de la mobilisation de votre intelligence personnelle vous a demandé de sortir du cadre habituel de votre travail. Et sortir du cadre n’est jamais agréable et sécure. Alors vous gardez pour vous cette invention/création. Le plus important n’est pas tellement de sortir du cadre ou non, mais plutôt de savoir pourquoi vous avez dû sortir du cadre, de pouvoir l’argumenter et en parler. Car cette invention de votre part produit de la performance.
Rendre public votre création, votre manière d’aboutir au résultat sans que cela n’existe préalable peut nourrir de nouvelles compétences métiers au service d’une meilleure performance de l’entreprise. Encore faut-il les conditions de confiance indispensables pour que cette nouvelle façon de faire puisse sortir du secret.
La performance et la confiance
Travailler nécessite la mobilisation de votre intelligence personnelle et de votre créativité, et travailler en confiance ouvre à la possibilité de débattre des règles de métier et des façons de travailler. C’est la coconstruction des règles du collectif. Lorsque la créativité est encouragée, les nouveautés sont accueillies avec bienveillance et étudiées, débattues au sein du collectif, pour voir si elles peuvent rentrer dans la culture de métier et la culture d’entreprise. En ce sens, la performance est première, la compétence est seconde.
Car au travers de votre trouvaille, c’est une nouvelle façon de travailler qui émerge au bénéfice de tous. Garder secret cette compétence inventée, par crainte de la représailles d’avoir dû sortir du cadre, est un frein à la performance collective. Dans le cadre de ces tacit skills, finalement, tout le monde est amené à sortir de sa zone de confort : la personne qui a créé une nouvelle façon de faire et qui la communique sans savoir comment ce sera accueilli, le manager ou le dirigeant qui entend une sortie de cadre et qui va devoir évaluer la portée de cette création et son intérêt pour l’entreprise.
En conclusion
Travailler va au-delà du respect de la seule fiche de poste et des compétences apprises en formation. Travailler, c’est convoquer son vivant pour inventer/créer de nouvelles façons de faire son travail pour être plus performant et plus efficace. C’est une des sources essentielles d’efficacité, de motivation et d’engagement dans le travail. Alors, quel accueil êtes-vous prêt à réserver à ces compétences pour qu’elles puissent sortir du secret au bénéfice de toutes et tous ?
Bibliographie
Dilts, Robert, La modélisation des facteurs de succès, Tome 1
Dejours, Christophe, Travail vivant, Tomes 1 et 2
Dejours Christophe, Ce qu’il y a de meilleur en nous
« L’intelligence du travail est en avance sur la capacité que nous avons de la symboliser, de la formaliser, de la justifier, de l’expliciter et de la transmettre », d’où « La performance est première, la compétence est seconde », Christophe Dejours